La carte nationale d’identité biométrique électronique :
une haute technologie inexploitée
Il y a quelques jours un ami publiait sur son compte twitter que la France allait lancer une application mobile qui permettrait à chaque citoyen français détenteur de la nouvelle carte d’identité biométrique d’ajouter cette dernière dans son smartphone et faciliter ainsi les démarches administratives.
La France a en effet lancé en Aout 2021 la nouvelle carte nationale d’identité électronique CNIe et selon un décret paru au Journal officiel le 26 avril 2022, il sera prochainement possible d’installer sur son téléphone une application d’identité numérique adossée à la nouvelle carte d’identité électronique afin de "prouver son identité en ligne" comme expliqué sur cette vidéo :
J’ai fait remarquer à mon ami, auteur du tweet, que notre carte d’identité biométrique algérienne permettait elle-aussi cette possibilité, et apprenant qu’il ne connaissait pas cette information alors qu’il était féru de tout ce qui est technologie et digital, j’ai donc décidé d’écrire cet article pour éclairer le grand public et rappeler aux décideurs ce que permet notre nouvelle carte d’identité.
La carte nationale d’identité biométrique électronique CNIBE fut lancée en grandes pompes en 2016, la demande de cette carte reste parmi les rares démarches administratives totalement dématérialisées, en effet, tout citoyen disposant d’un passeport biométrique peut en faire la demande à travers le site web du ministère de l’intérieur (https://passeport.interieur.gov.dz/) La demande ne nécessitant aucun déplacement ni aucun dossier à fournir. Il lui faut juste renseigner son numéro d’identifiant national NIN, son numéro de passeport et un numéro de téléphone mobile afin recevoir un SMS pour l’informer lorsque sa carte sera prête.
Formulaire sur le site du ministère de l’intérieur
Le retrait de la carte se fait au niveau de la commune de résidence du demandeur et ne nécessite non plus aucun dossier, le préposé au guichet de la commune peut identifier et authentifier le propriétaire de la carte par ses empreintes digitales et la lui remettre.
En octobre 2019, 16,8 millions d’algériens avaient retiré leurs Cartes Nationales d’Identité Biométrique ce qui représente l’émission d’une moyenne de 5,6 millions de cartes par an .
Une belle prouesse pour l’administration algérienne qui a fait vivre aux 16.8 millions d’algériens (maintenant plus) ayant fait la demande, une magnifique expérience de démarche administrative en ligne qui contrastait totalement avec la bureaucratie à laquelle il se sont habitués. C’est la digitalisation dans toute sa splendeur et c’est ce à quoi s’attendent les citoyens pour tous les autres services gouvernementaux : une administration numérique centrée sur le citoyen, une administration 0 papier.
La CNIB (La Carte Nationale d'Identité Biométrique et Electronique) est à la pointe de la technologie :
Elle offre un niveau de sécurité physique et logique très élevé ce qui la rend infalsifiable :
- La sécurité physique est renforcée avec un corps de carte en polycarbonate protégé par des éléments de sécurité visuelle (maquam e’chahid et le fennec) ainsi que par le dispositif anti-fraude Sealys Window[1].
- La sécurité logique s’appuie sur le Système d'exploitation Sealys ID Motion multi-service, le premier au monde à avoir obtenu un certificat de critères communs incluant des assurances de niveau EAL7.[2]
Elle est équipée de deux microprocesseurs.
Les informations d’état civil du porteur sont stockées dans la carte : nom, prénom, date et lieu de naissance, nationalité, sexe, adresse, NIN, informations sur la carte, la signature etc…Ces informations peuvent être lues par un simple lecteur NFC (Near Field Communication).
Le ministère propose sur son site une application gratuite qui permet de lire la carte :
https://macnibe.interieur.gov.dz/WFDefaultFr.aspx#CommentLire
Des applications pour smartphones sont aussi disponibles sur google play ou app store et permettent aussi de lire les informations d’état civil contenues dans la carte, y compris la photo, seules les empreintes digitales ne sont pas lisibles.
Vous trouverez une démonstration sur la vidéo ci-dessous :
Cette fonctionnalité pourrait être utilisée par les développeurs d’applications que ce soit pour la branche gouvernementale ou pour la branche économique afin de renseigner automatiquement des formulaires nécessitant les informations d’identité. (Exemples : un logiciel de gestion des visiteurs dans une administration, un logiciel pour notaire, la création d’un compte sur un site e-commerce …etc..) Cette fonctionnalité supprimerait définitivement la saisie manuelle de formulaires sur papier, sur un logiciel ou sur un formulaire en ligne ce qui procurerait un gain de temps important et éviterait les erreurs de frappes ou les erreurs de saisie.
Les identifiants biométriques sont aussi enregistrées dans la carte : équipée de la technologie Match-on-Card qui remplace le code PIN par un simple toucher sur un capteur d’empreintes digitales, la CNIBE permet une vérification locale des empreintes. Cette fonctionnalité pourrait être utilisée dans des cas de sécurité élevée où il faut s’assurer que le porteur de la carte en est lui-même le propriétaire. Pour utiliser cette fonctionnalité, il faut acquérir un lecteur de carte avec scanner d’empreintes digitales.
Cette fonctionnalité pourrait servir dans des démarches administratives qui nécessitent un niveau de sécurité élevé, par exemple lors des élections : le citoyen, une fois qu’il a voté, il pourra signer numériquement avec ses empreintes digitales au lieu d’émarger sur un registre comme on le fait actuellement. Ceci éliminerait toute possibilité d’usurpation d’identité ou de double vote. Elle pourrait aussi être utilisée dans des démarches administratives où la signature du citoyen est importante.
Quelles sont les applications possibles de la CNIBE ?
Encore une fois, la carte nationale d’identité biométrique électronique algérienne est basée sur une technologie de pointe, les usages possibles sont illimités, elle pourrait servir de carte de paiement, carte de santé, carte de vote, carte de transport, etc…elle pourrait aussi être associée à des applications telles qu’un porte document électronique, un dossier de santé, une signature électronique..etc…
La plus importante des applications est l’identité numérique régalienne forte et sécurisée, c’est le pilier de la citoyenneté numérique, cette e-identité permettrait au citoyen de prouver son identité sur internet en accédant aux services en ligne du gouvernement et même aux services commerciaux.
(Je publierai prochainement un article dédié à l’identité numérique et comment la mettre en œuvre car elle est d’une importance capitale pour bâtir une économie numérique moderne.)
Où en est-on avec la CNIBE aujourd’hui ?
Aujourd’hui, aucune administration n’utilise un lecteur de carte biométrique, toute la technologie embarquée dans la CNIBE ne sert absolument à rien, tous les investissements consentis par l’état ne servent malheureusement à rien.
Une utilisation minimaliste aurait été d’équiper les administrations de lecteurs de cartes NFC et d’utiliser le logiciel gratuit proposé par le ministère de l’intérieur, ainsi le citoyen n’aurait plus à présenter ni extrait de naissance, ni photocopie de carte nationale ni photos d’identité et l’agent du guichet n’aura plus à remplir manuellement sur son système d’information les données du citoyen.
Mais qui en est responsable ?
Si on posait la question au ministère de l’intérieur ils vous diraient qu’ils ont fait leur travail et que tout est sur site web du ministère.
Et ils auraient raison.
Si on posait la question aux autres administrations qui n’utilisent pas de lecteurs de cartes, ils vous diraient qu’ils n’ont reçu aucune instruction ou note les informant qu’il fallait acquérir des lecteurs de cartes pour identifier le citoyen par sa CNIBE.
Et ils n’auraient pas tort.
La transversalité du numérique fait noyer les responsabilités, c'est pour cela que nous ne cesserons jamais de répéter :
« il faut un chef d’orchestre avec des pouvoirs supra ministériels pour faire avancer le digital en Algérie ».
A bon entendeur salut !
Par Tadjeddine BACHIR
Président du GAAN